• SHANGHAI BOLÉRO

Un Boléro savoureux servi en trois temps

Type de presse: 
Internationale
Date de publication: 
22/10/2015
Création concernée par cet élément de presse: 

L’alliance nord-sud entre la WA Academy of Performing Arts et le Fremantle Arts Centre prend une nouvelle dimension avec Shanhai Boléro, un travail chorégraphique liant est et ouest par le chorégraphe invité Français Didier Théron.
Au préalable, toutefois, le directeur artistique de LINK Michael Whaites, nous sert en contraste 59 009 Tonight, un hors d’oeuvre léger qui allie le chant délicat de Michael Buble et quelques mouvements excentriques old school.
Les danseurs de la Compagnie de danse de la WAAPA, LINK, vêtus avec éclat et tout sourire, forment un tableau saisissant face à un mur végétal illuminé de couleurs vives.
Qu’y a-t-il dans le Boléro de Ravel pour rendre ce travail aux accents espagnols d’un compositeur Français aussi populaire en ce moment à Perth ? Puisqu’il n’y a pas d’anniversaire en particulier, c’est sans doute une coïncidence qui fait que le Boléro est mis à l’honneur dans le travail de Théron, ainsi qu’à l’occasion du Carnaval de Raewyn Hill pour l’ouverture de saison de la compagnie de danse contemporaine Co3, et d’un concert du WA Symphony Orchestra le mois prochain.
Le travail de Théron tient son nom de la ville où s’est tenue sa première mondiale, dans le Pavillon France de la Shanghai World Expo en 2010.
Les rythmes de Ravel sont si insistants et hypnotiques que Théron a fait dansé les huit danseurs de LINK, accompagnés de cinq invités dont Claudia Alessi, Laura Boynes et Sue Peacock, non pas une, mais trois fois.
A chaque itération du triptyque, la chorégraphie varie, de même que le nombre des danseurs vêtus de noir, illustrant ainsi l’approche récurrente de Théron qui consiste à travailler encore et encore une même idée avec à chaque fois de subtils variations.
Dans la première partie, dix femmes en shorts, hauts et talons aiguilles noirs, marchent et se déplacent, provocantes, comme des modèles sur un podium. A la file, elles dessinent au sol des motifs de grille et regardent le monde avec des yeux vieillissants, comme si elle sortait tout droit d’un clip de Robert Palmer dans les années 1980.
Le jeu sur la sexualité et le rôle des sexes est fort, particulièrement quand elles soulèvent leurs hauts par-dessus leurs têtes, dévoilant des soutiens en gorge noirs et dissimulant leurs visages. Le mouvement répétitif, comme pour une parade, brisé par des duos momentanés, des trios et des étreintes de groupe, crée la tension dramatique et, comme un membre du public l’a remarqué, suggère « l’ambigüité poétique » du travail.
La seconde version est jouée par trois hommes (Dean Lincoln, Alexander Perrozi et Robert Tinning), torses nus et sautillant, se balançant côte à côte comme des boxeurs à l’entraînement, ou bougeant leurs pieds et leurs hanches dans un unisson métronomique. Alors que la partition arrive à son crescendo, l’intensité physique amène également à des gestes proches de la passion religieuse.
Pour la troisième partie, les 13 danseurs entrent en scène, femmes et hommes à moitié nus, prenant des attitudes fixes, comme dans les tableaux héroïques tirés de fresques Grecques ou sur les affiches de propagande communiste.
La lumière portée sur ces formations en mouvement change d’angle régulièrement jusqu’à ce qu’un danseur s’échappe du groupe. Ces compositions donnent également lieu à des mouvements par groupes et par vagues alors que l’entropie prend le pas sur la précision ordonnée de la chorégraphie.
Bien que l’écoute répétée du Boléro puisse être un peu exagérée, il s’agit d’une exploration intrigante des mécaniques et des pulsions liées au désir et au rituel dans laquelle les danseurs sont poussés au bout de leurs limites physiques et techniques. Pour cette première, la plupart d’entre eux ont relevé défis en dépit de quelques pas chancelants à la fin de la représentation.
Pour une sortie en soirée, regarder de la danse sous les étoiles et les platanes au coeur des murs intimes du jardin du Centre fût une expérience délicieuse semblable à un ballet au Quarry More, s’il vous plaît.
Shanghai Bolero, jusqu’à samedi dans le cadre du Fremantle Festival.