• SHANGHAI BOLÉRO

Theater Im Ballsaal : Conclusion grandiose pour "into the Fields"

Type de presse: 
Internationale
Date de publication: 
10/12/2011

La compagnie résidant à Montpellier est une institution dans le paysage chorégraphique français. Et elle a été la consécration du festival Into the fields, organisé par Cocoondance. 
A la dernière minute, Didier Théron a décidé de présenter son solo « Autoportrait Raskolnikov » - au lieu du « Bartleby » annoncé - d’après le roman de Dostoievski, « Crime et Châtiment », une chorégraphie de 1997. Théron danse lui-même l’homme qui assassine une vielle femme de sang froid et qui réfléchit à son acte.
Sur une scène vide, il tourne autour d’une chaise, créant un espace de pensée autour de ce centre, auquel il revient toujours. Il ne raconte pas l’histoire, mais l’excitation fiévreuse de l’assassin, cherchant des justifications rationnelles de son crime, s’effrayant lui-même et sombrant lentement dans l’absurde et la folie.
Le texte littéraire est pré-texte, c’est-à-dire texte de départ, mais aussi prétexte pour une texture complexe faite de pas qui débouchent sur le vide, de lignes et de mouvements qui se cherchent.  Il construit une danse de chambre anti-expressive sur 20 minutes, autour d’un personnage qui se perd.
La « Passion selon Matthieu » de Bach parait doucement au travers de la musique et des bruitages de Daniel Menche, jusqu’au « I’m singing in the rain » final, railleur. L’expérience existentielle de la culpabilité de Raskolnikov devient une preuve absurde de l’ordre divin.

Après ce classique du répertoire de Théron, suit le « Boléro Les Hommes », créé en 2011, faisant partie de la trilogie dansée sur l’oeuvre musicale de Maurice Ravel. La version féminine fut créée lors de l’exposition universelle de 2010 à Shanghai.
La version masculine est réduite à trois danseurs en pantalon noir et torse nu, incarnant la force et avançant dans une inlassable répétition. Des petits sauts avec jambes ouvertes ou fermées constituent l’élément de base quasi sportif de cette chorégraphie, qui explore les rythmes de l’accumulation musicale.
Les corps agissent comme les instruments de la composition de Ravel, et construisent l’érotisme d’une figure répétitive et mécanique jusqu’à l’exaspération. Les danseurs minces et musclés Lorenzo Dallaï et Thomas Régnier, ainsi que le grand Benjamin Dukhan à la barbe noire, contribuent par leur énergie athlétique à la construction du désir, également espace de combat et d’entraide.

18 minutes d’une géométrie dansée parfaite et impitoyable sur un carré de lumière habité par l’intelligence raffinée d’une composition circulaire.

Elisabeth Einecke - Klövekorn